Enduit, Huile, Lin, Coton.
En 1988, j'ai commencé des séries, dans l'horizontalité, que j'ai voulu penser comme des
exercices, assujettis à une règle du jeu : j'ai x chassis, x couleurs, x traits.
Le jeu est inséparable de la loi qui l'ordonne, le joueur frôle la règle, s'approche le
plus près d'elle, joue à ne plus la subir, la transgresse, jusqu'à la balayer un jour de
colère.
Système binaire, construction et déconstruction, mat, brillant Ombre et lumière sec,
humide.
J'appelle "phase de construction" les phases de rajout, délaboration, de "l'en plus".
Dans mon travail, il y en a deux, celle du commencement, assez longue, artisanale, et celle
de la
fin. très courte, du tracé.
La toile est tendue (rarement marouflée) sur un chassis dont elle recouvre la tranche de
façon à abolir tout encadrement. Sur l'enduit classique, un autre enduit
plus absorbant, souvent teint, parfois relavé, constitue le support réel de mon travail.
La coloration de cet enduit, pigmentée dans le liquide, implique une évaluation de la
couleur finale, claire dans le sec. Travail dans 1'ombre.
Puis vient la phase de déconstruction: ponçage, lavage, couleur diluée,
passée et repassée, lavée. Parfois j'ajoute à la couleur un résineux qui la rend
cireuse, pour qu'en la frottant, elle prenne "sur le champ" à la manière d'une patine.
Je travaille au chiffon, ou de préférence à la mèche extra fine d'ébéniste. Ensuite, le
traçé, au pinceau long, seul geste apparent, oblige la mise au point d'une autre liquidité.
Pour noi, le trait est échappé du langage, où il réside, conjointement. Du verbe et du
Trait, je ne sais pas lequel réside chez l'autre, si le trait n'est pas le corps exact du verbe. Bien
antérieur à l'écriture. Je travaille debout, accroupie, au dessus.
Danièle Sardet

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